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Épisode 8: Notre façon de payer, avec Sue Britton, Alvin Chan et Rubina Ahmed-Haq

Notre façon de payer évolue plus rapidement que jamais. Mais quel est le moteur de cette transformation? Selon le sondage annuel de Paiements Canada sur les modes de paiement du grand public, les jeunes Canadiens ne se contentent pas des méthodes de paiement traditionnelles. En effet, les membres des générations Y et Z veulent des options plus simples, rapides et pratiques qui répondent à leurs besoins et à leurs attentes. Écoutez notre animateur, Justin Ferrabee, chef de l’exploitation à Paiements Canada, qui s’entretient avec nos invités Sue Britton, chef de la direction de FinTech Growth Syndicate; Alvin Chan, responsable de l’innovation en matière de paiements, Stratégie numérique et innovation à Ravel par Cadillac Fairview; et Rubina Ahmed-Haq, journaliste en finances personnelles. Chacun présente son point de vue sur les nouvelles préférences de paiement des consommateurs et ses prévisions de l’avenir.

Façons d’écouter les balados :

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Invités :

Sue Britton, chef de la direction de FinTech Growth Syndicate
Alvin Chan, responsable de l’innovation en matière de paiements, Stratégie numérique et innovation à Ravel par Cadillac Fairview
Rubina Ahmed-Haq, journaliste en finances personnelles

Écouter l’épisode

Transcription du podcast

Justin: Notre façon de payer évolue de façon spectaculaire. Mais quel est le moteur de cette transformation? Les résultats de notre troisième sondage annuel sur les modes de paiement du grand public montrent que les jeunes Canadiens ne se contentent pas des méthodes de paiement traditionnelles. En effet, 70 % d’entre eux se disent prêts à abandonner l’argent comptant au profit d’autres modes de paiement, comparativement à 62 % de l’ensemble de la population canadienne. Qu’il s’agisse de paiements invisibles automatiques ou d’applications de suivi des dépenses, on constate que les générations Y et Z veulent des options plus simples et plus rapides en réponse à leurs besoins.

Selon le même sondage, 73 % des 18-34 ans sont plus enclins à acheter chez un détaillant en ligne si celui-ci leur offre une solution simple pour régler leur facture. Ils feront aussi plus souvent un achat spontané si leurs données de paiement sont enregistrées dans une appli ou en ligne, et préfèrent utiliser des applis de covoiturage plutôt qu’un taxi en raison de la simplicité du processus de paiement. Globalement, on constate dans notre sondage que la nouvelle génération ouvre la voie aux technologies de paiement novatrices et à un système de paiements moderne.

Ici Justin Ferrabee, chef de l’exploitation de Paiements Canada et animateur du balado PayPod, qui traite des multiples facettes de l’ambitieux projet de modernisation des paiements au Canada. Pour l’épisode du jour, je suis accompagné de Sue Britton, chef de la direction de FinTech Growth Syndicate; d’Alvin Chan, responsable de l’innovation en matière de paiements, Stratégie numérique et innovation à Ravel par Cadillac Fairview; et de Rubina Ahmed-Haq, journaliste en finances personnelles.

Bienvenue à vous trois.

Rubina: Merci de nous recevoir.

Alvin: Merci, Justin.

Sue: C’est un plaisir d’être ici.

Justin: Le sondage de Paiements Canada sur les modes de paiement met en évidence un virage générationnel du comptant vers des méthodes modernes. Rien de surprenant : les jeunes générations, qui ont grandi dans le confort de la technologie, voudront retrouver la même fluidité dans toutes les sphères de leur vie et pourraient se sentir frustrées lorsque la commodité n’est pas au rendez-vous. Entrons d’ailleurs dans le vif du sujet. Qu’est-ce qui vous dérange, vous, en matière de paiements? Quelles sont les petites choses qui vous irritent?

Rubina: Pour moi, c’est d’avoir à entrer mes renseignements personnels à nouveau. Lorsque j’ai déjà acheté chez un détaillant, déjà fourni mes coordonnées de carte de crédit, et que la fois d’après, je dois recommencer. Si je suis à la maison, je sais qu’il n’y a pas de danger, je sais que mes renseignements de carte de crédit sont en sécurité, donc je veux pouvoir faire mon achat rapidement. Sur le plan des finances personnelles, le magasinage éclair n’est probablement pas quelque chose que je devrais encourager, mais, personnellement, avec deux enfants à la maison et une vie bien remplie, ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir ajouter les articles à mon panier et payer tout de suite. Je n’ai pas envie qu’on me demande une nouvelle fois d’entrer mes renseignements. Je sais que je pourrais sauvegarder tout ça sur mon ordinateur, mais, parfois, avoir à rouvrir ma session ou à fournir de l’information supplémentaire, je trouve ça plutôt dérangeant.

Justin: Et de toute façon, il manque toujours quelque chose. Soit le code postal, soit le numéro de la carte de crédit, ou que sais-je? Il y a toujours une information à entrer à nouveau.
 
Rubina:
Exact. En plus, aujourd’hui, on peut régler un achat dans un point de vente simplement avec le paiement sans contact. Je trouve qu’on devrait pouvoir faire la même chose en étant dans le confort de son foyer. La technologie qui nous le permettrait n’existe sans doute pas encore, mais quand je suis au centre commercial, tout ce que j’ai à faire, c’est de déposer ma carte sur le terminal, payer, déposer ma carte sur le terminal, payer, et ainsi de suite. Alors pourquoi, quand je suis à la maison, je suis obligée de donner mon adresse, mon nom et tous ces renseignements qui devraient déjà être connus, puisque je suis titulaire d’une carte de crédit? C’est un peu agaçant.

Sue: Ça rejoint totalement ce qui m’ennuie le plus. Mais je pense que la solution à ce problème a déjà été proposée – allez, j’ose le dire! – par PayPal. Si je mets de côté mon opinion de professionnelle sur ce service, la consommatrice en moi n’a qu’à activer la fonction One Touch, et le problème est réglé. On peut magasiner sur n’importe quel site, puis utiliser One Touch, qui sait déjà qui vous êtes, où vous habitez, etc.

C’est une solution vers laquelle je me tourne de plus en plus, car, comme vous l’avez souligné, c’est vraiment pénible d’avoir à saisir tous ses renseignements personnels, sans parler d’essayer de se souvenir de son mot de passe, par exemple. Si on l’oublie, il faut le réinitialiser, puis il faut attendre ce fameux courriel. Tout ça, c’est beaucoup de désagrément. Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, la commodité est sans conteste un facteur primordial.

Alvin: Absolument. De mon côté, simplement le fait qu’on ait besoin de [inaudible 00:04:11], et de voir que les commerçants n’ont accès à aucune liste de coordonnées. Je suis un véritable aficionado du service Apple Pay, dont j’adore la simplicité : je peux régler ma facture d’une main et vérifier mon téléphone de l’autre. En dehors de ça, observer les gens qui n’ont pas encore adopté ce genre de service… c’est ça, ma principale source de frustration! Ça ne dépend même pas de moi. Quand je me retrouve [inaudible 00:04:39] derrière cette personne qui paie encore comptant chez Tim Hortons, par exemple, ou qui prend le temps d’insérer sa carte dans le terminal alors qu’elle aurait de toute évidence pu utiliser le paiement sans contact. Je remarque tout ça…

Justin: Je suis totalement cette personne.

Alvin: Eh bien, je n’ai aucune envie d’être le client qui attend derrière vous.

Sue: J’ai justement eu une discussion sur le comptant hier. Plusieurs banquiers étaient présents et ils en sont venus à parler de « billets ». Je leur ai alors posé la question : « Qu’est-ce que c’est, exactement, un billet? » Leur réponse : « En réalité, on parle d’espèces. C’est juste du jargon bancaire. » Et je ne suis pas jeune, donc je ne fais pas partie de la clientèle cible, mais en ce qui concerne l’argent comptant… ça fait assurément partie de ces choses que les gens n’ont plus que rarement sur eux.

Alvin: Je comprends votre frustration, mais au final on utilise chacun des solutions différentes. Le marché est très fragmenté. Alors oui, j’utilise le paiement sans contact, mais parfois ça ne fonctionne pas, donc en plus de ma carte, je dois avoir un autre mode de paiement sur moi. Oui, PayPal, c’est super, mais ce n’est pas accepté partout. Certains disent qu’il faut savoir être résilients. De mon côté, j’ai toujours de l’argent comptant sur moi quand je voyage, parce que je ne sais jamais où je vais me retrouver et quel mode de paiement je pourrai ou non utiliser. C’est presque une solution de secours pour moi. J’ai juste l’impression qu’il existe beaucoup trop d’options, et que oui, le commerçant essaie d’accommoder les clients qui paient comptant, ceux qui utilisent le paiement sans contact, etc. Bref, il essaie d’accommoder tout le monde, et ça ralentit tout le processus.

Justin: C’est vrai. Et avec l’arrivée de toutes ces nouvelles technologies et de toutes les expériences que d’autres secteurs peuvent apporter, le client… En réalité, je crois que le fil conducteur dans tout ça, c’est le comportement et les attentes du consommateur qui ne cessent d’évoluer, si bien que le paiement sans contact ne suffit plus. Pourquoi je ne peux pas simplement prendre ce dont j’ai besoin, et sortir du magasin? Pourquoi je dois absolument avoir affaire à quelqu’un? Pourquoi je suis obligé de faire la file pour utiliser une caisse libre-service? [inaudible 00:06:25]. Ce sont de grosses contraintes pour moi…

Sue: Oui, c’est un très bon point. Quand je passe devant un Zara, un Uniqlo ou n’importe quelle boutique et que je vois une file d’attente sans fin, j’en arrive presque à me demander…
 
Alvin: Est-ce que ça en vaut la peine?
 
Sue: Est-ce que ça vaut vraiment la peine d’entrer?

Je n’ai pas envie de faire le pied de grue dans le magasin. J’aimerais plutôt pouvoir payer ma facture, je ne sais pas, sur mon cellulaire, disons.
 
Justin: Donc, ce qu’on est en train de dire, c’est que la façon dont les gens peuvent payer influe sur leur décision d’acheter ou non un article. Est-ce que c’est le cas pour vous?
 
Rubina:
Oh, à 100 %.
 
Sue: Oui.
 
Rubina: Si je vois qu’il y a une longue file d’attente à la caisse, pour reprendre votre exemple, je n’achèterai rien. Si j’aime vraiment un article, je vais rentrer chez moi et le commander en ligne. C’est rare que je m’impose une file d’attente de 20 minutes pour acheter disons une robe en solde que j’ai trouvée par hasard. Auparavant, c’était ça, le facteur de motivation, n’est-ce pas? Vous étiez motivé à faire la file par des prix très, très bas, parce que vous vouliez économiser. Mais désormais, les règles ont changé, car on peut très facilement commander ces articles en ligne. Alors, pourquoi perdre 20 minutes de son temps?

Sue: Et, si je peux me permettre, les achats plus importants peuvent aussi être une source de frustration. Prenons l’exemple de rénovations : en règle générale, votre limite de transfert électronique sera trop basse pour régler la facture. C’est quelque chose de très frustrant.

Rubina: [inaudible]... Et essayez de faire un dépôt mobile au-delà d’un certain montant. Nous sommes en train d’acheter une maison et nous avons le même problème. Il faut transférer d’importantes sommes, et même s’il est clair que l’argent est bien dans nos comptes, ce n’est pas chose simple. Il y a une succession d’opérations à faire d’un compte à l’autre, et on est obligés de le faire par transfert, car il n’y a pas d’autre option. C’est extrêmement frustrant.
 
Sue: En conclusion, je dirais que c’est presque un obstacle. Mais qui dit obstacle dit innovation, non? Quand il y a un problème, on veut le régler. Je crois que là où le bât blesse, c’est que, désormais, la barre est placée relativement haut par ces entreprises qui arrivent sur le marché en proposant des technologies toujours plus pratiques. Une fois les obstacles éliminés, le consommateur est plus enclin à utiliser et adopter le produit en question. On ne peut plus espérer qu’il n’ira pas chez le concurrent simplement parce qu’il a un faible pour notre marque, une préférence pour un produit ou une confiance aveugle en notre institution financière. Tout le monde est occupé, alors c’est la voie de la facilité qui prime.

Justin: Tout à fait. Et, pour revenir sur ce que vous disiez, on voit déjà des consommateurs pour qui l’important n’est plus l’économie d’argent. Ce qu’ils se demandent plutôt, c’est : « Est-ce que j’économise 20 % du prix, ou je gagne 20 minutes en ne faisant pas la file? » De plus en plus, les gens penchent pour la deuxième option en se disant : « Je préfère ne pas perdre ce temps-là, qui a plus de valeur pour moi que 20 % de réduction. » En conclusion, c’est une source de frustration pour le consommateur, et sans doute de difficulté pour le détaillant. D’ailleurs, pouvez-vous nous parler du ressenti des commerçants par rapport à toutes ces nouveautés? De l’incidence qu’elles ont sur le service? De ce qui suscite leur intérêt?

Alvin: Au centre Eaton de Toronto, c’est assez varié en ce qui concerne les modes de paiement. Il n’existe pas de système centralisé, et on trouve un nombre incommensurable de terminaux différents dans les boutiques. Je dirais que c’est surtout dans les grands centres commerciaux urbains qu’il est possible d’effectuer un paiement sans contact avec sa carte ou son téléphone, particulièrement ici, au centre-ville de Toronto.

Donc je dirais que sur ce plan, les commerçants suivent le mouvement, mais que ça reste quand même le nerf de la guerre à l’heure actuelle. Par ailleurs, on voit aussi des détaillants qui passent au niveau supérieur pour conquérir un certain segment de consommateurs, comme Alipay, WeChat et les autres commerçants, je dirais, plus avant-gardistes, qui acceptent d’utiliser directement ces systèmes de paiements pour attirer les touristes chinois, ce qui s’avère très lucratif pour eux.

En dehors de ça, on n’a toujours pas vu les paiements en cryptomonnaies, par exemple, se démocratiser dans les commerces. Mais qui sait? Il se pourrait que ça arrive très bientôt. Sinon, beaucoup de nouvelles technologies sont actuellement testées aux États-Unis. Amazon Go, qui n’est plus à présenter, mais aussi d’autres chaînes comme 7-Eleven, Sam’s Club ou Walmart mettent concrètement à l’essai de nombreux systèmes de paiements parfaitement fluides : aucun besoin d’interagir avec les employés, d’insérer sa carte dans le terminal, ni même d’utiliser le paiement sans contact. Tout ce que vous avez à faire, c’est scanner l’article, et vous êtes prêt à quitter le magasin.

Justin: Nous parlions tout à l’heure de nos sources de frustration respectives en tant que consommateur et de la fragmentation des systèmes de paiements. Parallèlement, on constate que ce n’est pas non plus simple pour les détaillants de s’y retrouver et d’accommoder leur clientèle. L’objectif est de simplifier au maximum les modes de paiement, mais il y a un revers à la médaille, et vous l’avez effleuré tantôt : plus il est facile de payer, plus les gens ont tendance à dépenser.

De plus, la plupart du temps, les paiements en ligne doivent se faire par carte de crédit, donc commodité rime avec crédit. Et s’il est trop simple de payer son achat, il peut être difficile de garder le fil de ses dépenses ou de les gérer. On entend souvent dire : « J’ai besoin de certains de ces obstacles pour bien gérer mes finances. Ça me permet d’y réfléchir à deux fois, de me demander ce que j’achète. Autre option : je retire 300 $ et une fois que j’ai tout dépensé, c’est terminé. » Quelle est votre opinion à ce sujet? Sur le rôle des obstacles et la gestion des finances personnelles?

Rubina: En effet, plus il est facile d’acheter, plus les gens vont consommer.
 
Justin: Et oublier qu’ils ont acheté quelque chose [inaudible 00:11:39].

Rubina: Exact. Les cartes de crédit présentent deux problèmes : un, leur grande facilité d’utilisation; deux, les programmes de récompense. Très souvent, les gens courent après les récompenses, que ce soit des points de compagnie aérienne ou à l’épicerie, ou encore des remises en argent. Il y a régulièrement des journées récompenses dans les magasins, et les gens disent que c’est comme une poussée de dopamine. Tout d’un coup, ils se sentent bien parce qu’ils ont gagné 20 fois plus de points.

C’est pour ça que je mets les gens en garde et leur conseille d’utiliser la carte de crédit comme un outil, et non une ressource. Mais bon, nous vivons dans un monde où nous ne voulons plus nous promener avec d’énormes sommes d’argent comptant sur nous, pour des raisons qui tombent sous le sens. Et dans beaucoup d’endroits – en tout cas, je sais que c’est le cas dans le centre-ville de Toronto –, on n’accepte même plus l’argent comptant. Donc, sans carte, il serait sans doute impossible de fonctionner dans la société actuelle. Ce serait d’ailleurs intéressant de faire l’expérience en nous rendant dans une grande ville comme New York avec seulement de l’argent comptant en poche et de voir jusqu’où on pourrait aller.

Nous n’avons donc pas d’autre choix que d’utiliser cet outil qu’est la carte de crédit, mais encore faut-il nous assurer que l’argent est bien sur le compte, qu’on est capable de payer à la fin du mois, et ce, en totalité. Parce que les cartes de crédit sont aussi pratiques que dispendieuses. Je parle souvent des intérêts composés, qui profitent aux jeunes épargnants. Mais qu’en est-il du revers de la médaille, soit du côté du crédit? Le principe est le même. Ce n’est pas long avant que votre achat de 100 $ vous coûte 175 ou 200 $. Et ça continue de grimper si vous ne le remboursez pas.

Pour clore ma réponse, je dirais : soyez conscient du pouvoir des cartes de crédit, mais aussi du fait que, comme le montrent d’innombrables études, quand on paie en plastique – et c’est encore plus flagrant avec Apple Pay et compagnie –, plus on se distance du désagrément d’avoir à sortir l’argent de son portefeuille, et plus il est facile de dépenser à outrance.

Sue: Je crois que j’enchaînerais ici avec le sujet des challenger banks, ces banques de nouvelle génération. Selon moi, c’est dans ce créneau que la technologie financière commence à faire sa place. Prenons l’exemple de Stack, de Koho ou de n’importe laquelle des dizaines de banques en ligne au Canada. Elles intègrent des outils de gestion financière directement à l’expérience bancaire, tandis qu’avec les banques traditionnelles, on doit encore faire la démarche si on veut utiliser un outil budgétaire ou autre. Je crois bien avoir lié mon compte à Mint ou à une application du genre, mais je reçois un courriel de temps à autre qui me dit : « Est-ce possible que vous ayez dépensé 0 $ cette semaine? » Pour une quelconque raison, l’application s’est déconnectée…

Alvin: Non, non. C’est impossible!
 
Sue: Tout à fait impossible! En tout cas, je crois que la technologie financière répond à un besoin en ce qui concerne l’inclusion financière. Et les connaissances en finances, la gestion financière, sans être la solution à tous les problèmes, pourraient… Selon moi, le problème, c’est que les consommateurs ne sont pas au courant, qu’ils ne savent pas vraiment ce qu’est la technologie financière ou en quoi consistent les néobanques.

Par conséquent, ils doivent aller chercher l’information eux-mêmes. C’est l’autre problème. Personnellement, j’aime beaucoup l’application Mylo. Est-ce que vous en avez entendu parler?

Rubina: Oui, bien sûr! [inaudible 00:14:42]
 
Sue:
Oui, oui. Et…
 
Rubina:
Ça permet d’épargner un faible pourcentage ou la petite monnaie sur ses achats si je ne me trompe pas.

Sue: On peut trouver beaucoup de choses à redire en matière de protection des données, pas spécifiquement avec Mylo, mais de manière générale. Avec des systèmes bancaires ouverts, ça deviendra plus facile. Vous ouvrez une session, vous fournissez vos coordonnées bancaires et pouvez choisir sur quel compte vous souhaitez arrondir le montant de vos achats ou même définir un montant d’épargne précis.

L’année dernière, mon père est tombé malade. Il y a eu des complications et il a dû se faire opérer. Quand je lui rendais visite, tout ce qu’il me disait, c’est : « J’aimerais vraiment rentrer voir la famille à la maison. » Le problème, c’est qu’ils ont de faibles revenus, alors j’ai pensé à mon compte Mylo. Quand j’ai ouvert l’application, j’y ai trouvé 5 000 $! Je n’avais même pas pensé vérifier avant ça, car…

Alvin: On ne s’en aperçoit pas…

Sue: On ne s’en aperçoit pas. L’application continue de faire son travail en arrière-plan. Sans dire que ce soit le remède contre les dépenses excessives.

Justin: Il semblerait que le progrès mise sur la commodité, mais puisque les gens comptaient sur les obstacles des modes de paiement pour gérer leurs finances, c’est presque comme s’il fallait que le consommateur se mette lui-même des bâtons dans les roues. En laissant sa carte de crédit à la maison, ou en [inaudible 00:15:57]. C’est à chacun de garder le contrôle de ses finances personnelles. On ne peut pas reprocher au système de paiements d’être trop pratique. Ce qu’il faut, c’est outiller les gens avec des solutions, que ce soit une technologie financière, Pay Check ou autre, qui leur proposent de gérer leur argent, s’ils le souhaitent.
 
Rubina:
Je suis d’accord. C’est la même chose pour les robots-conseillers – ces entreprises n’aiment pas qu’on les appelle comme ça –, qui peuvent être utilisés comme outil d’épargne pour la retraite ou pour n’importe quoi. Il n’y a rien de mal à les utiliser, tant qu’on comprend dans quoi on s’embarque. Il faut saisir comment fonctionne le système. Vous ne pouvez pas juste arriver et dire : « Épargnez pour moi, investissez pour moi. »

Même cas de figure avec les outils budgétaires. Soit vous en utilisez un que vous avez ajouté vous-même, soit vous avez déjà une bonne idée de ce que vous dépensez et vous décidez d’en utiliser un simplement pour vous faciliter la vie. Mais non, ces outils ne peuvent pas régler tous vos problèmes financiers.

Justin: Exact. Maintenant, changeons un peu de sujet. Nous parlions de la fragmentation, des obstacles et des innovations en matière de paiements. Tout ça tombe un peu sur les épaules des consommateurs, ou des détaillants, qui doivent se débrouiller pour en comprendre les rouages. Qu’en est-il des systèmes bancaires ouverts? Que nous réserve l’avenir? Et que peut-on espérer pour la suite?

Sue: Les systèmes bancaires ouverts représentent l’avenir, non? Pour la simple et bonne raison que, dans différentes régions du monde, des banques se plient déjà aux réglementations à cet égard en autorisant leurs clients à partager leurs données avec d’autres institutions financières ou autre. Avec l’ouverture des systèmes bancaires, les données des consommateurs sont de nouveau entre leurs mains. Vous me suivez?

Ils se réapproprient leurs données, et s’ils veulent ouvrir un compte dans une autre banque, ils peuvent le faire plus facilement et ont la possibilité de consulter tous leurs comptes bancaires en même temps, ou de les regrouper en un seul endroit. Et ce n’est qu’un début, parce que les consommateurs, qui sont de plus en plus connectés, voudront gérer toutes leurs applications, leurs différentes transactions et tout le reste dans la même interface. C’est quelque chose que les systèmes bancaires ouverts devraient permettre, en théorie... Espérons que le terme « API » ne soit pas étranger aux auditeurs… Mais avoir la possibilité d’intégrer différentes applications et de tout consulter dans un seul et même endroit, ce serait le paradis sur Terre, non?

Vous pourriez voir votre outil budgétaire – sans que ce soit forcément celui de votre banque –, vos différents comptes bancaires, vos placements, votre application de comptabilité si vous êtes entrepreneur, ou… Pour moi, l’ouverture des systèmes bancaires est l’occasion de créer une plateforme. L’avènement des plateformes, la platformification, c’est ce concept selon lequel nous envisagerons tous nos téléphones comme des plateformes et des passerelles vers autre chose.

Justin: Qu’est-ce que vous en pensez, les autres?
 
Alvin: J’abonde dans le même sens que Sue. En effet, il est question de redonner le pouvoir aux consommateurs, je crois. De nos jours, une personne génère tellement de données – rien que dans la sphère sociale, par exemple –, et toutes ces données, elles lui appartiennent. C’est elle qui en a le contrôle et qui en fait ce qu’elle veut, c’est elle qui choisit de les partager et décide avec qui les partager. Pourquoi est-ce que ça ne vaudrait pas aussi pour ses données financières? Pourquoi ne pas leur donner une utilité et une valeur, dont le consommateur pourrait profiter?

Et la force des systèmes bancaires ouverts, comme nous pouvons le constater ailleurs, réside dans le fait qu’ils ouvrent le champ des possibles pour le consommateur et lui permettent, soit via une plateforme, soit via une institution qu’il autorise à accéder à ses données, de faire des choix éclairés, que ce soit pour gérer ses finances, placer son argent ou même magasiner. Ils permettent de lui proposer une offre sur mesure en fonction de ses préférences, de ses besoins et de son budget. Et la boucle est bouclée.

Rubina: Je crois que ça n’intéresse pas les nouvelles générations, surtout, de rester fidèles à une seule institution financière. Ce qui, bien entendu, crée le genre de situation problématique où, si quelqu’un présente une demande de prêt hypothécaire en ayant un compte de placement dans une institution, un compte bancaire dans une autre et ainsi de suite, il est difficile d’obtenir un profil financier global. Et je pense que c’est un problème que les systèmes bancaires ouverts résoudront, puisque tout sera réuni dans une plateforme unique.

Par ailleurs, c’est extrêmement frustrant quand on déplace de l’argent et qu’on se rend compte qu’on s’est trompé de compte et qu’on doit payer des frais, tout ça parce qu’on n’a pas de vue d’ensemble. On n’aurait jamais fait cette erreur si tout était réuni sur la même page et qu’on avait pu voir d’où l’argent était censé sortir. On n’aurait pas eu à… Les frais bancaires, tels qu’ils sont, me font vraiment grincer des dents : nous sommes surfacturés pour tellement d’opérations très simples, tandis qu’en Europe particulièrement, on peut retirer de l’argent au guichet de n’importe quelle banque sans aucuns frais. Pourquoi ce n’est pas encore le cas ici?

J’ai vécu là-bas il y a 19 ou 20 ans, et la première chose qui m’a marquée, c’est qu’on ne paie aucuns frais pour faire un retrait, quelle que soit la banque. Pour ce genre de choses, nous sommes en retard. On essaie de gérer nos finances de manière à payer le minimum de frais et à rentabiliser au maximum nos investissements. Mais c’est quelque chose de très difficile à faire si tout est éparpillé. Et je n’ai pas envie d’être uniquement une cliente de la Banque TD, ou uniquement une cliente de RBC, pour pouvoir profiter des avantages d’une interface unique.

Sue: C’est intéressant, car les 18-34 ans, ou peut-être la partie supérieure de cette tranche, ceux qui sont habitués à l’idée qu’ils doivent se contenter d’une parmi peut-être cinq ou dix banques au Canada et qui se rendent dans une succursale pour parler à quelqu’un... Les plus jeunes, on ne les voit pas faire ça, parce qu’ils sont nés dans l’ère du numérique. Ils ont grandi en baignant dans la technologie. Et je pense que ce sont eux qui vont chercher à trouver une solution qui ne les oblige pas à se tourner vers ces banques-là.

Mais ça soulève un problème : est-ce que vous… Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j’aimerais connaître votre opinion, Rubina, sur toute la question de la gestion des finances personnelles. Que peut-on faire si le consommateur ou l’utilisateur final doit d’abord prendre conscience qu’il lui faut gérer son argent différemment?
Qu’est-ce qui aidera vraiment les gens à améliorer leur situation financière? Avant qu’ils ne tombent sur une solution par hasard ou ne réalisent à 50 ans… non pas que j’aie… enfin oui, j’ai 50 ans, mais vous comprenez ce que je veux dire? Parfois, c’est…
 
Justin: C’est l’heure des confessions, Mesdames, Messieurs [inaudible 00:22:48].
 
Sue: Il est simplement trop tard lorsque vous vous dites : « Ah! J’aurais dû mettre de l’argent de côté. C’est ce que j’étais censé faire, mais maintenant, je n’ai pas prévu assez pour ma retraite. » Peu importe la situation, vous voyez où je veux en venir. Alors que faire? On met le doigt sur plusieurs problèmes ici. Premièrement, je trouve que nous avons un système bancaire en vase clos au Canada; il y a très peu d’ouverture pour chercher et trouver facilement d’autres solutions. Deuxièmement, cette situation est en quelque sorte accentuée par le fait que nous ne gérons pas nos finances correctement. Je ne sais pas si vous réussissez à trouver ma question dans tout ça, mais bon…

Rubina: Au cours des 20 dernières années, il y a eu quelques changements. D’abord, c’est extrêmement compliqué de placer son argent. On croule sous les produits et les solutions à cet effet. Les régimes enregistrés sont nombreux – les CELI, les RER, les REER –, sans parler de tous ces autres outils de placement. En plus de ça, la fiscalité devient toujours plus complexe. Résultat : les gens essaient de jongler avec tout ça.

Je crois que la première chose à faire, c’est de retourner à l’essentiel et de simplifier le processus. Dans les années 1980, le taux d’épargne au Canada était de 20 % : pour chaque dollar gagné, j’épargnais 20 cents. Aujourd’hui, il est en deçà de 2 %, et je sais que cette situation s’explique en grande partie par les faibles taux d’intérêt, car les gens ne sont plus encouragés à épargner. Mais si on retourne en arrière, personne ne pigeait dans son compte d’épargne pour être en mesure de financer sa retraite.

Les gens utilisaient des méthodes un tout petit peu plus complexes. Maintenant, nous avons trop de choix. Donc en gros, ce qu’il faut conseiller aux gens en matière de placement, pour reprendre l’exemple des années 1980, c’est un retour aux bases : se payer d’abord, puis choisir des solutions simples qu’ils sont en mesure de comprendre. N’allez pas voir votre conseiller financier pour lui dire : « François, dis-moi quoi faire. » Mais plutôt : « Voici les recherches que j’ai faites, j’aimerais avoir ton avis sur la question. » Ce serait la première étape, je crois.

Justin: Le sondage que nous avons mené montre que c’est la jeune génération qui se trouve à l’avant-garde sur plusieurs fronts au Canada, motivée principalement par la commodité. Une autre conclusion était le désir d’obtenir davantage d’information, qui soit plus fiable. Nous avons déjà parlé des obstacles et de la fragmentation des systèmes de paiements du point de vue des consommateurs et des détaillants. Nous avons également abordé les possibilités futures et l’utilité des systèmes bancaires ouverts pour simplifier un secteur bien complexe – ou peut-être le compliquer, je ne suis pas certain.

Maintenant, ce que je vais vous demander, c’est de nous faire part de votre point de vue sur l’avenir. Êtes-vous confiants? Pour vous, quelle serait l’issue la plus enviable? Quel serait le scénario rêvé? Devant l’adversité, comment nous en sortirons-nous? En réalité, ce sont vos prédictions que je veux entendre. Alors, comment voyez-vous les cinq années à venir? Vous avez une minute top chrono.
 
Alvin:
Très bien. Eh bien, je dirais… Prenez certaines scènes de Rapport minoritaire… Difficile à croire que ce film est sorti en 2002. C’est bien ça, 2002?

Rubina: Ouf!
 
Alvin: Ça fait 17 ans. Et le futur qu’ils avaient imaginé… on le voit aujourd’hui. Je parle surtout du moment où Tom Cruise marche, et que tout autour de lui le reconnaît. C’est passé de la science-fiction à la réalité aujourd’hui, comme je l’ai dit, avec des technologies comme Amazon Go ou simplement les modes de paiement sur le pouce. Je dirais que dans ma vision d’un monde parfait, mes données seront davantage mises à profit pour m’offrir une expérience de paiement sans obstacle, et les points de vente mobiles seront plus utilisés. Et on en a déjà tous un entre les mains quand on arpente le centre commercial : c’est notre téléphone cellulaire. On exploitera davantage cet outil pour pouvoir scanner soi-même un article, payer et sortir du magasin.

Je crois également, pas pour moi personnellement, qu’on a assisté à l’avènement du commerce social. Il y a plus de gens qui utilisent Instagram, Twitter et Facebook et qui achètent directement à partir de ces plateformes. Pour moi, c’est la tendance à surveiller, là où le commerce s’en va.

Sue: Alors, vous avez parlé de scénario rêvé, alors je vais vous prendre au mot. Je crois que dans cinq ans la façon dont nous faisons nos achats va changer radicalement, et je pense que le moteur de ce changement, ce seront les plateformes. C’est-à-dire, pas forcément… Je devrais faire plus attention à la façon dont je le formule, mais disons juste que la marque derrière les services financiers que j’utiliserai n’aura pas vraiment d’importance.

Ce qui aura de l’importance pour moi, ce sera de pouvoir tout faire numériquement. Et pour ça, nous devrons améliorer un tas de choses au Canada. L’idéal serait que cette solution ne vienne pas d’Amazon ou d’une entreprise similaire. Donc, nous avons un grand défi devant nous : celui de permettre aux technologies créées ici, au pays, de voir le jour.
 
J’ai peut-être l’air un peu pessimiste, mais j’ai la conviction que c’est ce que l’avenir nous réserve. Et d’ici là, je pressens que nous allons avoir besoin de beaucoup de solutions pour nous aider à gérer nos décisions en ligne, car nous nous trouvons… Comme je magasine moi-même pas mal en ligne et que c’est très facile, je reconnais que la vitesse à laquelle la situation peut nous échapper sera exponentiellement plus rapide dans cinq ans. Oui, voilà mon opinion.

Rubina: En tant que journaliste en finances personnelles, je pense que, dans un monde idéal, nous utiliserons la technologie pour épargner autant que possible. Actuellement, la technologie nous permet de dépenser et d’acheter très rapidement. Mais pour la suite, j’aimerais voir évoluer cette technologie vers quelque chose qui me permettra de savoir, quand je rentre dans une boutique, que c’est là que je vais faire la meilleure affaire en ville. Si j’investis mon argent dans quelque chose, je saurai que, selon l’information qui a été collectée sur moi, c’est le produit qui me correspond le mieux. Je pourrai investir en toute confiance parce que la technologie aura pu, en quelque sorte, faire le lien entre toutes mes données et m’aura convaincue que c’est le meilleur choix.

Il n’y a rien de pire que d’apprendre que la personne assise à côté de vous dans l’avion a payé son billet 100 $ de moins. J’aimerais que ce genre de situation ne se produise plus. Une sorte de démocratisation de tout le système, qui nous permette d’obtenir le meilleur prix au moment où on achète quelque chose. Bien évidemment, c’est différent si on est deux ou trois mois plus tard, parce que les conditions du marché ne sont plus les mêmes. Mais l’idée, ce serait qu’à un instant T, on profite de la meilleure offre. Et je crois que la technologie peut rendre ça possible.

Justin: J’aime beaucoup cette idée. Eh bien, merci de croire en l’avenir et de vous y investir. Nous attendons avec impatience de voir toutes ces idées se concrétiser dans notre système de paiements. Merci à tous. [inaudible 00:29:35]
 
Sue: Merci!
 
Alvin:
Merci beaucoup!
 
Rubina:
C’était un bon moment.
 
Justin: Merci de vous être joints à moi pour notre conversation du jour, où nous avons vu les préférences des consommateurs en matière de paiements et différentes visions de l’avenir des paiements. Comme toujours, PayPod peut être téléchargé sur votre application de baladodiffusion préférée ou à paiements.ca. Participez aux discussions en ligne en tapant #paiementsmodernes. Nous voilà déjà à la fin de cet épisode, mais nous vous invitons à vous joindre à nous pour le prochain, à l’occasion duquel nous continuerons d’explorer l’univers des paiements.

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